Le 1er juin 1926, l’armée prenait possession de La Villedieu, dans le cadre de l’agrandissement du camp d’instruction militaire du Valdahon. La population exilée, le village en tant que personne morale était supprimé. Il fallut attendre 1962 pour voir son territoire rattaché en totalité à la commune de Vercel, laquelle officiellement devenait : Vercel-Villedieu-le-Camp.
Histoire : Les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem vinrent créer là une commanderie et un hôpital, vers l’an 1180. Les Hospitaliers en s’installant donnaient à leur fondation le nom qu’ils avaient coutume d’attribuer à ces établissements : Villa Dei, le domaine de Dieu. L’Ordre reçut de nombreuses terres et le patronage de quelques églises. Les Hospitaliers accueillaient et soignaient les malades, nourrissaient les pauvres et assistaient les lépreux, parqués à l’écart dans des enclos. La commanderie de La Villedieu se comportait comme une seigneurie ordinaire, mais elle était vassale des seigneurs de Montfaucon, puis de ceux de Vercel à partir du XVe siècle. Les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem furent remplacés, vers 1530, par les chevaliers de Malte. Ceux-ci entreprirent de grosses réparations à la maison du Temple, en 1573. Le commandeur fit aménager spécialement une chambre pour y garder la vendange et son vin qu’il faisait toujours venir de Saules. De 1700 à 1790, le domaine de La Villedieu sera donné progressivement à l’hôpital Saint-Jean l’Aumônier de Besançon. En 1880, il ne restait des bâtiments de la commanderie que la grangerie, refaite en 1746, et qui portait sur diverses poutres la croix de l’Ordre de Malte. Au-dessus d’une fenêtre du vieux bâtiment, se voyait un écu du XVe siècle, bouchardé à la Révolution.
La mort du village : Tout a commencé par une demande de l’armée à la municipalité du Valdahon, en l’an 1900. Il s’agissait de permettre l’implantation d’un champ de tir en bordure de la forêt domaniale du Grosbois. Le Valdahon n’y vit que des avantages. En 1904, il fut question en plus d’un camp d’instruction qui sera inauguré le 15 juin 1907. Mais pour ce faire il aura fallu exproprier, en 1905, 4 fermes du Valdahon et 4 autres de La Villedieu : les Granges Blanchard, Blondeau, Guillemin et Du Faux, ainsi que des communaux. La commune de La Villedieu, avec l’argent de cette vente, acheta le 8 octobre 1907, 75 ha de la forêt du Chanois pour 310 000 francs.
La nécessité d’agrandir encore le camp du Valdahon sera fatale à La Villedieu. Un premier décret d’expulsion de tout le village fut pris le 18 mars 1914 par le président de la République Raymond Poincaré, mais l’effet en sera suspendu du fait de la guerre. Le 7 mai 1924 parut un deuxième décret d’expulsion, celui-ci prit effet les 3, 4 et 5 novembre 1925. Le village cessait de vivre. L’indemnisation des particuliers ne fut même pas à la mesure de leur sacrifice. Les familles se dispersèrent dans la région où elles purent acheter ou à louer d’autres fermes. Le 13 août 1962, le conseil d’état supprime la commune de La Villedieu et rattache son territoire à Vercel qui s’appelle aujourd’hui Vercel-Villedieu-le-camp, ce fut la première commune de France à être totalement supprimée.
Le cas de cette commune est unique en France, même exceptionnel. L’état, à l’époque, n’a pas voulu reconnaître le principe du droit de propriété des habitants sur certains biens communaux, comme la forêt du Chanois, 207 hectares, acheté en 1907 par la commune à l’aide de fonds provenant d’une première expropriation. Les habitants se sont battus en s’appuyant sur une ordonnance du roi Henri IV faisant défense à quiconque de s’attribuer les communaux de leurs sujets. Plus tard, la législation révolutionnaire avait formellement posé ce principe. Mais l’état n’en a pas tenu compte.
La dernière statistique agricole concernant le village est celle de 1909. Elle révèle 168 ha de terres labourables, dont 51 ha de prairies artificielles ; 149 ha de près naturels ; 163 ha de pâturage ; 240 ha de bois ; 36 chevaux ; 16 bœufs ; 78 vaches et 96 veaux ; 150 moutons ; 36 porcs et 3 chèvres. La laiterie fonctionnait au moment de l’exode et il y avait une auberge et une épicerie.
L’école : en 1922, peu avant la fermeture, 32 enfants étaient regroupés en une école mixte.
Le village, au jour de sa démolition, disposait d’une mairie datant de 1840, d’une église de 1850, d’une école de 1878, d’un lavoir-abreuvoir de 1829 et d’un lavoir couvert de 1874.
Lors de la dernière réunion du conseil municipal, cette petite phrase a été écrite : « Notre patriotisme et notre civisme nous imposent de délaisser nos biens. »
Aujourd’hui, il n’y a plus de village, presque plus d’église, plus de cimetière mais les morts sont encore présents autour du clocher, ils n’ont pas été déplacés. C’est tout ce qui reste d’un village franc-comtois, rayé de la carte et de l’histoire : un clocher fantomatique, un lavoir, une jolie source et quelques pierres témoignent encore de tout un passé.


